Louis MONNIER, Montpellier

Russell-Jones et al. Once-weekly icodec versus once-daily insulin degludec as part of a basal-bolus regimen in individuals with type 1 diabetes (ONWARDS 6): a phase 3a, randomised, open- label, treat-to-target trial. Lancet 2023 ; 402 : 1636-47.

Dans un article paru dans le Lancet, David Russell-Jones, associé à d’autres diabétologues de renom, suggère à l’issue d’un essai comparatif que les insulines hebdomadaires pourraient peut-être remplacer les analogues lents traditionnels (durée d’action légèrement supérieure à 24 heures) en tant qu’insulines basales chez les diabétiques de type 1 traités par une schéma basal-bolus administré en multi-injections. C’est pour cette raison que la méthodologie et les résultats de leur étude méritent d’être rapportés. 

En introduction, les auteurs rappellent que le but du traitement du diabète de type 1 est de se rapprocher le plus possible des profils glycémiques nycthéméraux normaux qui, chez les sujets exempts de diabète, sont le résultat d’une insulinosécrétion parfaitement régulée. À ce jour, 2 méthodes sont utilisées pour s’approcher le plus possible de cette configuration : a) les injections multiples d’insuline selon un schéma basal-bolus, ou b) les infusions sous-cutanées continues d’insuline grâce à une pompe plus ou moins associée ou connectée à un enregistrement glycémique continu. En Europe de l’Ouest et aux États-Unis les injections discontinues représentent toujours et respectivement 56,5 % et 37 % des modalités de l’administration de l’insuline dans le diabète de type 1.

Méthodologie de l’étude

Des adultes ayant un diabète de type 1 et une HbA1c < 10 % (n = 582) ont été recrutés dans cette étude (ONWARDS 6), tous étant traités depuis plus d’un an par un schéma insulinique de type basal-bolus. Dans un deuxième temps, les sujets ont été randomisés pour être assignés à un traitement où l’insulinothérapie basale était administrée soit sous forme d’une insuline hebdomadaire (l’icodec, n = 290), soit sous forme d’une insuline lente quotidienne (la dégludec, n = 292). L’insulinothérapie basale était associée à des bolus d’analogues rapides de l’insuline (Aspart 2 à 3 fois par jour). L’étude a été conduite sur une durée de 52 semaines divisée en 2 séquences : la première de 26 semaines étant considérée comme la phase principale, la deuxième de 26 semaines également étant destinée à évaluer la sécurité du traitement proposé. 

Résultats 

HbA1c (figure 1)

Dans le groupe icodec, l’HbA1c est passée de 7,59 % à 7,15 % à la 26e semaine. Dans le groupe dégludec, l’HbA1c est passée de 7,63 % à 7,10 %. La baisse de l’HbA1c en pourcentage de points a donc été de 0,47 % avec l’icodec et de 0,51 % avec la dégludec, confirmant la non-infériorité de l’icodec par rapport à la dégludec. L’estimation des résultats sur l’HbA1c à la 52e semaine a montré une baisse de l’HbA1c plus faible avec l’icodec (-0,37 %) qu’avec la dégludec (-0,54 %) (p = 0,02). 


Figure 1. Évolution de l’HbA1c selon que les sujets avaient été randomisés dans le groupe icodec (en vert) ou dégludec (en rouge).

Temps dans la cible (TIR = glycémie entre 71 et 180 mg/dL) et en dehors de la cible (temps au-dessus de la cible : TAR ou en dessous de la cible : TBR)

Ces résultats ont été obtenus grâce à la pose d’un CGMS (Continuous Glucose Monitoring System) à certains moments du suivi. Les résultats observés entre la 22e et la 26e semaine ont été les suivants (figure 2) :

  • TIR : 59,1 % sous icodec vs 60,8 % sous dégludec 
  • TBR < 54 mg/dL : 1 % sous icodec vs 0,7 % sous dégludec 
  • TBR entre 54 mg/dL et 69 mg/dL : 2,8 % sous icodec vs 2,2 % sous dégludec 
  • TAR entre 181 et 250 mg/dL : 23,1 % sous icodec vs 24,1 % sous dégludec
  • TAR  > 250 mg/dL : 13,2 % sous icodec vs 12,2 % sous dégludec

Ces résultats montrent que les 2 insulines conduisent aux mêmes résultats. 


Figure 2. Résultats observés sur le CGMS pratiqué entre la 22e et la 26e semaine du suivi selon que les sujets étaient sous icodec ou dégludec.

Résultats sur les hypoglycémies

L’incidence des hypoglycémies symptomatiques et sévères après 26 semaines de suivi a été significativement plus élevé avec l’icodec (19,9 événements par année-patient) qu’avec la dégludec (10,4 événements par année-patient) (p < 0,0001). Cette incidence, plus élevée avec l’icodec qu’avec la dégludec, a été retrouvée après 57 semaines de suivi.

Conclusion

On peut conclure de ce travail, qui est le premier à rapporter une comparaison entre une insulinothérapie basale avec une insuline hebdomadaire (icodec) et un analogue long quotidien (dégludec) dans le diabète de type 1, est que l’icodec et la dégludec ont une efficacité identique sur l’exposition chronique au glucose évaluée par l’HbA1c et le TIR. En revanche, l’utilisation de l’icodec conduit à un nombre plus élevé d’hypoglycémies sévères que la dégludec, même si le temps passé en hypoglycémie en dessous de 54 mg/dL reste < 1 % (recommandations internationales) pendant les semaines 22 à 26 et 48 à 52. D’autres études devraient être conduites pour confirmer ou infirmer ces résultats. Pour l’instant, on reste sur le sentiment que dans le diabète de type 1, Il est préférable d’utiliser une insuline basale quotidienne qu’une insuline basale hebdomadaire et ceci, d’autant plus que le score de satisfaction (identique dans les 2 groupes au début de l’étude) a davantage augmenté avec l’usage de la dégludec (+3,06) qu’avec celui de l’icodec (+1,97) (p = 0,0044). En dépit de ces réserves, cet article a été suivi d’une courte note publiée dans le JAMA(1) avec le titre suivant : « L’insuline basale hebdomadaire peut être aussi efficace dans le diabète de type 1 ». L’avenir dira si cette prédiction est exacte.