Louis MONNIER, Montpellier

Monnier L et al. HbA1c variability and diabetes complications: assessment and complications. Diabetes Metab 2023 ; 49 : 101399.

Il y a près de 40 ans l’HbA1c a été reconnue comme un marqueur d’exposition chronique au glucose, mais plusieurs années ont été nécessaires pour recommander un taux < 7 %, hormis certaines situations particulières : âge, vulnérabilité, grossesse. Depuis, la liste des marqueurs s’est étendue, la plupart d ‘entre eux étant fournis par les profils glycémiques nycthéméraux désormais accessibles grâce à la pratique de l’enregistrement glycémique continu en ambulatoire (CGM, Continuous Glucose Monitoring). Les pourcentages de temps passés à l’intérieur ou en dehors des cibles glycémiques recommandées font partie de ces marqueurs ainsi que la variabilité glycémique à court terme avec une recommandation internationale issue de nos propres travaux (coefficient de variation du glucose ≤ 36 %)(1). La variabilité à long terme du glucose (de l’homéostasie glucidique) est la deuxième composante de ce que l’on englobe de manière indifférenciée sous le vocable général de variabilité glycémique. Il est maintenant reconnu qu’une variabilité excessive sur le long terme est associée à une augmentation du risque cardiovasculaire et de décès quel qu’en soit la cause(2,3). Toutefois, le problème est de savoir sur quels indices on devrait s’appuyer pour évaluer cette variabilité à long terme : (a) fluctuations de la glycémie à jeun entre 2 consultations plus ou moins espacées ou (b) fluctuations de l’HbA1c. D’emblée, la première proposition nous semble disqualifiée car comment peut-on raisonnablement penser qu’une variation sur le long terme (plusieurs semaines ou mois) puisse être quantifiée par la mesure ponctuelle d’un paramètre (la glycémie à jeun) dont la valeur ne reflète que les quelques secondes ou minutes qui encadrent le prélèvement sanguin. Dès lors, le meilleur paramètre ne peut être que l’HbA1c, mais encore faut-il choisir l’outil statistique le plus approprié pour mesurer sa variabilité et recommander les seuils de fluctuations qui ne devraient pas être dépassés. Par analogie avec la variabilité à court terme de la glycémie où le coefficient de variation parait le plus approprié, c’est sur le coefficient de variation de l’HbA1c (%CV HbA1c = [déviation standard de l’HbA1c/moyenne de l’HbA1c] x 100] que devraient se focaliser les efforts de standardisation.

Les avantages du %CV HbA1c

Par rapport à la simple mesure de la déviation standard (DS HbA1c), l’atout majeur du calcul du %CV HbA1c est d’être ajusté sur la moyenne de l’HbA1c. Cet ajustement est indispensable car mathématiquement toute augmentation de la moyenne se traduit par une augmentation de la DS, quel que soit le paramètre mesuré. À titre d’exemple, la déviation standard du poids dans une famille d’éléphants est 1 000 fois plus forte que celle qui est observée dans une famille de souris parce que les éléphants sont 1 000 fois plus gros que les souris.

Les failles du %CV HbA1c

Le calcul du %CV HbA1c nécessite un nombre minimum de mesures. Ceci est difficilement réalisable pour l’HbA1c. En effet, au terme d’une année, la mesure trimestrielle de l’HbA1c ne conduira qu’à 4 valeurs exploitables, ce qui rend délicat le calcul d’un coefficient de variation. Toutefois à partir d’études qui se sont déroulées sur des périodes de l’ordre de 5 ans(3,4), il est apparu que c’est lorsque le %CV HbA1c devient approximativement > 5 % que l’incidence des décès augmente de manière significative par rapport au risque observé dans une population de référence ayant un %CV HbA1c identique à celui des sujets non diabétiques (2 à 3 %).

Conversion du %CV HbA1c en données utilisables en pratique clinique courante

La question qui se pose est : comment convertir le %CV HbA1c de 5 % en différences absolues entre 2 mesures successives d’HbA1c à 3 mois d’intervalle. En sachant que 95 % des valeurs d’un paramètre donné sont statistiquement comprises dans un intervalle [moyenne – 2DS ; moyenne + 2DS] il est possible de déduire qu’entre 2 prélèvements à t0 et à t3mois la différence ne doit pas dépasser ± 10 % de la valeur observée à t0 si on souhaite que le %CV HbA1c reste < 5 % (calcul détaillé expliqué dans la publication citée en référence). Dans ces conditions, la stabilité ou l’instabilité de l’HbA1c chez un patient diabétique peut être directement calculée à partir du tableau ci-dessous qui tient compte du niveau de l’HbA1c à t0 et du Δ de l’HbA1c (différence entre les taux de l’HbA1c à 3 mois et à t0). Si on prend l’exemple d’un sujet dont le taux d’HbA1c est à 8 %, son taux 3 mois après devrait rester dans la fourchette 8 % ± 0,8 %, c’est à dire ne pas être inférieur à 7,2 % et supérieur à 8,8 %. Si ces seuils sont franchis, les fluctuations de l’HbA1c doivent être considérées comme excessives et leur cause doit être recherchée : traitement mal adapté ou mal suivi, règles hygiéno-diététiques mal suivies. Il faut tout de même retenir que le contrôle de la variabilité glycémique n’a pas la même priorité que le contrôle du taux absolu de l’HbA1c, c’est-à-dire < 7 % dans la majorité des cas.

Références

Cliquez sur les références et accédez aux Abstracts surpubmed

1. Monnier L, Colette C, Wojtusciszyn A et al. Toward defining the threshold between low and high glucose variability in diabetes. Diabetes Care 2017 ; 40 : 832-8. 
2. Sheng C-S, Tian J, Miao T et al. Prognostic significance of long-term HbA1c variability for all-cause mortality in the ACCORD trial. Diabetes Care 2020 ; 43 : 1185-90. 
3. Critchley JA, Carey IM, Harris T et al. Variability in glycated hemoglobin and risk of poor outcomes among people with type 2 diabetes in a large primary care cohort study. Diabetes Care 2019 ; 42 : 2237-46. 
4. Prentice JC, Mohr DC, Zhang L et al. Increased hemoglobin A1c time in range reduces adverse health outcomes in older adults with diabetes. Diabetes Care 2021 ; 44 : 1750-6.