Jean-Louis SCHLIENGER, Strasbourg
Falkentoft AC et al. Risk of first‑time major cardiovascular event among individuals with newly diagnosed type 2 diabetes: data from Danish registers. Diabetologia 2023 ; 66 : 2017-29.
De nombreuses études observationnelles et d’intervention ont formellement démontré que le DT2 est un facteur de risque cardiovasculaire (CVX) majeur. Toutefois, l’effet sur le risque CVX d’un traitement hypoglycémiant pharmacologique différé au profit d’une période de modification du mode de vie pendant 6 mois, conformément aux recommandations de l’EASD et de l’ADA (lorsque l’HbA1c est < 7,5 %), n’a pas été évalué. Le Danemark où l’on est souvent adepte de cette stratégie offre la possibilité de le faire grâce à l’excellence des registres disponibles.
Cette étude de cohorte réalisée en croisant les données de plusieurs registres nationaux a inclus tous les individus âgés de 40 à 80 ans présentant une première mesure d’HbA1c comprise entre 6,5 et 7,5 % entre janvier 2014 et décembre 2020. Les sujets ayant des antécédents CVX et ceux traités par statine ou inhibiteurs du système rénine angiotensine (iSRAA) avant le diagnostic de diabète ont été écartés. Le critère principal de jugement était le risque de survenue d’un premier événement CVX majeur (MACE) chez les sujets selon qu’ils étaient traités ou non par un traitement hypoglycémiant (THG) pendant les 6 mois qui ont suivi le diagnostic de DT2. L’objectif secondaire a été de préciser si l’introduction précoce de statines ou d’iSRAA réduisait le risque de MACE. Après 6 mois, les 14 221 sujets éligibles ont été répartis en 4 groupes : sujets bien contrôlés sous traitement hypoglycémiant (THG) (22,3 %) ; sujets mal contrôlés sous THG (14,7 %); rémission sans traitement (38,3 %) ; DT2 persistant sans traitement ( 24,7 %).
Tout au long des 52 006 années-personnes, 1 351 MACE ont été recensés (242 AVC, 161 IDM et 947 décès toutes causes). Le groupe bien contrôlé sous THG avait le risque absolu de MACE à 5 ans le plus faible ; le sur-risque était de 3,3 % dans le groupe « diabète persistant sans THG », de 3,5 % dans le groupe « mal contrôlé sous THG » et de 2,0 % dans le groupe en rémission (figure). Le fait que le recours aux statines et aux iSRAA était bien plus fréquent sous THG doit faire nuancer le bénéfice imputable au THG. Par un bel exercice statistique les auteurs ont tenté de cerner le bénéfice lié à ces traitements. La réduction absolue potentielle du risque de MACE pouvant être espérée si chaque groupe avait été traité par statine et/ou iSRAA à hauteur du groupe bien contrôlé sous THG a pu être estimée à 2,1 % dans le groupe diabète persistant et à 1,1 % dans le groupe DT2 en rémission. L’égalisation du traitement par statines seules a modifié de manière significative le risque dans les deux groupes sans THG. Ces résultats sont restés cohérents après 1 an. Quel que soit le contrôle glycémique obtenu, la probabilité pour qu’un traitement par statines ou iSRAA soit introduit restait plus faible chez les sujets non traités par THG. À 1 an, l’égalisation théorique des traitements aurait réduit l’excès de risque de MACE à 5 ans de 2,6 % dans le groupe DT2 persistant et de 1,4 % dans le groupe en rémission.
Ainsi, le fait de privilégier un traitement non pharmacologique de l’hyperglycémie pendant les premiers mois d’un DT2 augmente significativement le risque absolu d’événements CVX à 5 ans comparativement aux sujets traités d’emblée par un traitement hypoglycémiant et ce, même lorsqu’une rémission a été obtenue. La majoration du risque est en partie liée à une moindre prescription de statines et d’iSRAA. Cette étude confirme le bien-fondé d’une prévention primaire pharmacologique précoce par des hypoglycémiants, des statines et des iSRAA (dès lors qu’existe une dyslipidémie ou une HTA) sans attendre les bénéfices des mesures de modification du mode de vie qui doivent bien sûr être associées à la prescription pharmacologique précoce.
Figure. Évolution du risque absolu de MACE selon le traitement prescrit dès le diagnostic de DT2 et le contrôle du diabète.