Louis MONNIER, Montpellier

Rothberg A et al. Remission of type 2 diabetes : always more questions but enough answers for action. Diabetologia 2024 Jan 8.

Certains pensent que le diabète de type 2 est une maladie chronique qui devient pérenne après une installation progressive. Toutefois, la pratique clinique nous a appris depuis de nombreuses années qu’une perte de poids chez un patient diabétique ayant un diabète de type 2, à condition qu’elle soit significative, est associée à une amélioration voire à une disparition des désordres glycémiques caractéristiques du diabète. Dès lors, une mise au point précise ne peut être que bienvenue. C’est cette dernière qui a été réalisée par 3 auteurs (un Écossais et deux Américains) dans une revue générale publiée dans l’un des derniers numéros de Diabetologia. En premier lieu, il convient de s’entendre sur le terme de « rémission ». Dans le diabète de type 2, la rémission est définie comme une diminution de l’HbA1c en dessous de 6,5 % chez un sujet qui n’est plus astreint à se traiter avec des médicaments hypoglycémiants. De plus, il faut bien comprendre qu’en matière de diabète de type 2, l’atteinte de cet objectif n’est pas synonyme de guérison et que la réapparition des désordres glycémiques reste possible au cours du temps, avec l’âge ou plus volontiers avec la reprise pondérale. En d’autres termes, la survenue d’une rémission est loin de signifier que la maladie a été éradiquée. Au-delà de cette observation plusieurs questions se posent :

Quels sont les déterminants des rémissions et des récidives ?

Les deux principaux sont la perte de poids et le degré de préservation de la fonction bêta langerhansienne résiduelle. Plusieurs études ont montré qu’un pourcentage de rémission > 50 % est obtenu quand la perte de poids est > 10 kg. Toutefois, les rémissions ne sont pas systématiques, même lorsque les pertes de poids sont de l’ordre de 20 à 30 %, par exemple après chirurgie bariatrique. La reprise de poids survient plus souvent et plus rapidement après un régime hypocalorique traditionnel (dont on connait les difficultés de suivi) qu’après chirurgie bariatrique avec une moindre durabilité des rémissions dans le premier cas de figure que dans le deuxième. Il n’en reste pas moins qu’un pourcentage non négligeable de patients ayant un diabète de type 2 n’ont pas de rémission lorsque la perte de poids a été au rendez-vous. Ces échecs sont dus à la présence d’une mauvaise insulinosécrétion résiduelle telle que l’on peut l’observer dans des formes particulières et relativement rares de diabète comme les MODY (« Maturity Onset Diabetes of the Youth ») ou dans les LADA (« Latent Autoimmune Diabetes in Adults »), ces derniers étant à la frontière entre les diabètes de type 1 et 2. De manière plus classique, les chances de rémission dans le diabète de type 2  classique diminuent avec l’âge, l’ancienneté de la maladie, car on sait qu’avec le temps les deux grands facteurs physiopathologiques du diabète de type 2 évoluent défavorablement : a) l’insulinosécrétion endogène s’appauvrit de manière progressive et b) le rapport masse grasse/masse maigre s’accroit pour conduire à une augmentation de l’insulinorésistance.

Les rémissions peuvent-elles survenir sans perte pondérale ?

Même si l’adoption d’un régime méditerranéen (étude PREDIMED) semble prévenir l’apparition du diabète de type 2 chez certaines personnes, il ne semble pas que les modifications de la répartition des macronutriments aient un effet intrinsèque en termes de rémission du diabète de type 2 si une perte pondérale n’est pas obtenue. Deux cas particuliers méritent d’être signalés : a) les rémissions transitoires après une insulinothérapie intensive initiale pour lever les phénomènes de glucotoxicité dans le cas où la glycémie est d’emblée élevée ; b) les rémissions obtenues avec les agonistes du récepteur du GLP-1 qui agissent par leur effet insulino-sécrétagogue et par le biais de la perte de poids qu’ils induisent. Toutefois, ces effets disparaissent, en particulier le deuxième si on arrête le traitement.

Les rémissions réduisent-elles le risque de complications diabétiques ?

Comme on pouvait s’y attendre, la normalisation glycémique, qui accompagne les rémissions, réduit le risque de complications, à condition que la perte de poids soit significative et soutenue et que la normalisation glycémique soit suffisamment longue (plusieurs années). Ceci explique l’existence de discordances entre études et le fait que les résultats soient plus probants avec la chirurgie bariatrique qu’avec les régimes hypocaloriques traditionnels. Quand les rémissions réduisent l’incidence des complications, il convient de noter qu’elles exercent leurs effets au-delà de la normalisation glycémique par le biais d’une réduction de la pression artérielle et des lipides plasmatiques. À cet égard, il serait intéressant de savoir (mais la réponse n’est pas connue) si, chez les sujets qui ont perdu plus de 15 % de leur poids mais qui n’ont pas fait de rémission, on observe une diminution du risque de complications.

Les « vraies » rémissions (sans médications) donnent-elles des résultats équivalents à ceux observés avec les médicaments ?

Pour simplifier le problème, la rémission « non pharmacologique » donne-t-elle les mêmes résultats que la « pseudo rémission » pharmacologique, toutes choses étant égales par ailleurs. Ceci reste une question ouverte, même si les nouvelles médications antidiabétiques (agonistes du récepteur du GLP-1 et inhibiteurs du SGLT2) entrainent une réduction significative le l’exposition chronique au glucose et une protection cardiovasculaire et rénale qui dépasse leurs simples effets sur les glycémies. Les auteurs de la présente revue indiquent qu’il serait souhaitable de tester l’effet de ces médicaments contre une prise en charge efficace non pharmacologique de la surcharge pondérale, les deux stratégies entraînant une amélioration identique de l’homéostasie glucidique .

Les conclusions de cette revue sont que malheureusement, même dans les pays développés, la proportion de patients qui atteignent les objectifs thérapeutiques reste trop faible et que les rémissions par des moyens non pharmacologiques (régimes couplés à une activité physique) sont trop rares. Comme toujours, la question clé reste celle de l’efficience qui est la somme de l’efficacité, de la sécurité du traitement, de la qualité de vie du patient et du coût des thérapeutiques et du suivi. Il est probable que l’inflation des solutions pharmacologiques proposées ne soit pas la réponse la plus appropriée pour résoudre la dernière composante (le coût) de cette somme non arithmétique. Sur la figure sont résumées les différentes évolutions possibles du diabète de type 2, en tenant compte des rémissions qui sont indiquées sous les rubriques suivantes :

  • Rémission totale (HbA1c < 6,0 %) ou partielle (HbA1c < 6,5 %) ;
  • Rémission « vraie » (si le traitement pharmacologique hypoglycémiant peut être stoppé) ou « pseudo-rémission » (s’il y a nécessité de maintenir un ou plusieurs traitements pharmacologiques hypoglycémiants).


Figure. Évolution bidirectionnelle entre la normalité et le diabète franc en passant par l’étape de prédiabète, les rémissions pouvant être complètes ou partielles. À noter que les valeurs de l’HbA1c retenues pour définir la normoglycémie sont différentes en Europe, au Canada et en Australasie (< 6,0 %) et aux États-Unis (< 5,7 %).