Bernard BAUDUCEAU, Saint-Mandé

Elliott J et al.; EURODIAB Prospective Complications Study Group. Female sex is a risk factor for painful diabetic peripheral neuropathy: the EURODIAB prospective diabetes complications study. Diabetologia 2024 ; 67 : 190-8.

Conséquence directe de l’hyperglycémie chronique, la neuropathie complique fréquemment le cours évolutif du diabète et notamment celui du type 2, en raison de sa plus grande prévalence et de son caractère initialement silencieux. Les polyneuropathies sensitives douloureuses se manifestent par des paresthésies, des crampes ou des douleurs parfois très vives qui intéressent les extrémités des membres inférieurs et plus tardivement celles des membres supérieurs. Elles peuvent plus rarement réaliser des décharges fulgurantes ou de véritables causalgies à type de brûlures, d’horaire volontiers nocturne. Alors que les facteurs de risque de la neuropathie périphérique diabétique sont désormais bien connus, les déterminants de ces formes douloureuses qui représentent environ 25 % des polyneuropathies sensitives, restent mal explicités. En revanche, il est bien établi qu’une diminution trop rapide du contrôle glycémique peut déclencher une neuropathie comportant des douleurs intenses et brutales d’autant que le diabète est ancien et que la baisse de l’HbA1c est rapide dépassant 3 % en 3 mois.

L’objet de cet article était de préciser les facteurs favorisant les polyneuropathies douloureuses diabétiques en analysant les données de l’étude EURODIAB portant sur les complications du diabète. Cette enquête a recruté 3 250 participants atteints de diabète de type 1 qui ont été suivis pendant 7,3 ± 0,6 ans. Afin d’évaluer la polyneuropathie diabétique, un protocole standardisé a été utilisé comprenant une évaluation clinique, des tests sensoriels quantitatifs et une exploration de la fonction autonome. La polyneuropathie diabétique douloureuse était définie par l’existence de symptômes neuropathiques algiques au niveau des membres inférieurs.  

Lors de l’inclusion, 25,2 % des 927 participants atteints de polyneuropathie diabétique présentaient une forme douloureuse ; lors du suivi une neuropathie s’est développée chez 23,5 % des personnes initialement indemnes. Parmi celles-ci, 14,9 % prenaient une forme douloureuse et la plupart était des femmes (73 % en cas de polyneuropathie douloureuse versus 48 % dans les formes indolores, p = 0,003). Ces résultats sont restés significatifs après ajustement selon la durée du diabète et le niveau de l’HbA1c.

Les participants présentant une polyneuropathie douloureuse étaient moins souvent atteints de macro- ou de microalbuminurie au regard de ceux dont la neuropathie était indolore (15 % versus 34 %, p = 0,02). Cette constatation persistait après ajustement selon l’HbA1c, la durée du diabète et le sexe (p = 0,03).

Cette première étude prospective visant à étudier les facteurs de risque de polyneuropathie douloureuse diabétique montre que le sexe féminin est un paramètre favorisant cette complication alors que, classiquement, ce sont les hommes qui sont plus souvent touchés par la neuropathie diabétique. Cette forme douloureuse s’accompagne moins souvent de néphropathie par rapport aux atteintes indolores, ce qui n’est pas en faveur du rôle de la microangiopathie dans son déterminisme.

Les différences observées selon le sexe pourraient jouer un rôle important dans la physiopathologie de la douleur neuropathique associée au diabète. Cependant, les études futures devront examiner les facteurs psychosociaux et génétiques impliqués dans le développement de la polyneuropathie diabétique douloureuse.