Louis MONNIER, Montpellier

Rooney MR et al. Global prevalence of diabetes. Diabetes Care 2023 ; 46 : 1388-94.

Le prédiabète est défini par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) soit comme une anomalie de la glycémie à jeun (glycémie comprise entre 1,10 et 1,25 g/L) soit comme une augmentation anormale de la glycémie à la 2e heure (entre 1,40 et 1,99 g/L) d’une épreuve d’hyperglycémie provoquée orale (HGPO). Il est à noter que ces critères différent sensiblement de ceux qui sont énoncés par l’American Diabetes Association (ADA)(1), qui considère qu’un sujet est en état de prédiabète dans l’une des 3 situations suivantes : glycémie à jeun comprise entre 1,00 g/L et 1,25 g/L ou glycémie à la 2e heure d’une HGPO située entre 1,40 et 1,99 g/L ou HbA1c comprise entre 5,7 et 6,4%(1). Quoi qu’il en soit, le prédiabète est considéré par tous les organismes comme un facteur de maladie cardiovasculaire ou d’affection rénale et de progression vers un diabète sucré patent. Cette dernière évolution peut toucher près de 50 % des sujets dans les 5 années à venir. Dans ces conditions, détecter et traiter le prédiabète est une mesure de santé publique indispensable. Le malheur veut que les projections sur les 20 à 25 prochaines années ne soient guère optimistes comme vient de le rapporter une étude publiée récemment dans Diabetes Care.

Méthodes

À partir d’une analyse de la littérature (7 014 publications) englobant 215 pays ou territoires, les auteurs ont sélectionné les pays où les données concernant la détection du prédiabète (critère OMS) étaient considérées comme fiables. Ils ont calculé la prévalence du prédiabète chez des adultes âgés de 20 à 79 ans en 2021. En utilisant une régression logistique et à partir de prédictions portant sur l’âge, le sexe et l’urbanisation (rapport population urbaine/population rurale) dans les différents pays concernés, les auteurs ont calculé la projection du prédiabète (anomalie de la glycémie à jeun et/ou intolérance au glucose) au niveau mondial et dans différentes zones géographiques individualisées de la manière suivante : (1) Amérique du Nord et Caraïbes ; (2) Amérique du Sud et Amérique centrale ; (3) Asie du Sud-Est ; (4) Afrique ; (5) Europe ; (6) Moyen Orient et Afrique du Nord ; (7) Ouest du Pacifique.

Résultats

Prévalence de l’intolérance au glucose (IGT) : glycémie entre 1,40 et 1,99 g/L à la 2e heure d’une HGPO

Les résultats sont indiqués sur la figure 1. Au niveau mondial, la prévalence de l’IGT en 2021 est de 9,1 % soit 464 millions d’individus. Cette prévalence devrait passer à 10,0 % soit 638 millions en 2045 (figure 2). La prévalence de l’IGT en 2021 est la plus élevée dans la zone Amérique du Nord-Caraïbes (13,1 %) et elle devrait le rester en 2045 (13,8 %). La prévalence la plus faible en 2021 est observée dans l’Asie du Sud-Est (4,5 %) mais elle devrait augmenter en 2045 pour atteindre 5,7 %.

Prévalence de l’anomalie de la glycémie à jeun (IFG) : glycémie entre 1,10 et 1,25 g/L

Au niveau mondial, la prévalence de l’IFG en 2021 est de 5,8 %, mais elle devrait augmenter à 6,5 % en 2045. La prévalence la plus forte est rencontrée en 2021 en Asie du Sud-Est (9,4 %) et elle le restera en 2045 (9,6 %). La prévalence la plus faible est en 2021 dans la zone Ouest du Pacifique (3,4 %) et elle devrait augmenter à 3,8 % en 2045.

Nombre absolu de sujets ayant une intolérance au glucose

Ce nombre va augmenter dans tous les pays entre 2021 et 2045 (figure 2), mais l’augmentation sera la plus importante dans les zones géographiques ayant aujourd’hui un niveau économique faible en raison de l’accroissement du nombre de sujets. La prévalence d’une maladie qui augmente même modérément dans une population où le nombre de sujets augmente fortement s’accompagne logiquement d’une augmentation du nombre absolu de cas. Par exemple, en Afrique la prévalence de l’IGT est de 9,7 % (figure 1). Elle sera de 11,1 % en 2045 (figure 1), mais en raison de l’augmentation de la population africaine, le nombre absolu d’IGT passera de 51 à 117 millions (figure 2).

Remarques générales

• Il est à noter que, de manière un peu paradoxale, la prévalence en termes d’IGT et d’IFG est plutôt basse en Europe (figure 1).

• C’est plutôt dans les pays à haut niveau de vie que la prévalence du prédiabète est la plus élevée en 2021. En 2045, ce sont les pays actuellement à faible niveau économique qui devraient être affectés de manière préférentielle par les augmentations relatives les plus fortes (figure 2).

• Enfin, la prévalence de l’IGT est environ 3 fois plus élevée chez les sujets qui sont âgés de plus de 70 ans par rapport aux sujets qui sont âgés de moins de 25 ans. Cette augmentation progressive avec l’âge, observée en 2021 ne devrait pas être modifiée en 2045.

La conclusion générale de cette étude est que si on veut éviter une « explosion » de diabètes patents dans les années à venir, il serait recommandé de dépister le plus tôt possible le prédiabète et d’essayer de réduire son incidence par des mesures préventives. Les auteurs de cette étude soulignent toutefois que leurs extrapolations restent discutables parce que l’accès à des données de haute qualité n’est pas le même dans toutes les zones géographiques et parce que le mode de détection du prédiabète n’est pas uniforme. Certains pays comme les Etats-Unis ont une double modalité de détection qui porte à la fois sur la glycémie à jeun et sur la glycémie à la 2e heure d’une HGPO, tandis que dans d’autres pays les données disponibles sont ciblées soit sur la glycémie à jeun soit sur les glycémies mesurées au cours de l’HGPO.


Figure 1. Prévalence (%) de l’intolérance au glucose (IGT) en 2021 et projection de cette prévalence en 2045 dans une population adulte âgée de 20 à 79 ans.


Figure 2. Nombre absolu de sujets intolérants au glucose (millions) en 2021 et projection de ce nombre en 2045 dans une population adulte de 20 à 79 ans.