Patrice DARMON, Marseille

Lauwers P et al. The impact of diabetes on mortality rates after lower extremity amputation. Diabet Med 2023 ; e15152.

Au-delà de ses conséquences sur l’autonomie et la qualité de vie, l’amputation des membres inférieurs expose à un risque élevé de décès : à 5 ans, le taux de mortalité se situerait entre 50 et 80 % après amputation majeure (au-dessus du tarse) et autour de 40 % après amputation mineure. Si le diabète constitue toujours la principale cause d’amputation, son impact sur la mortalité ultérieure à court ou moyen terme n’est pas bien défini. 

C’est tout l’objet de cette étude belge réalisée à partir d’un registre administratif national couvrant l’ensemble de la population du pays. Elle regroupe l’ensemble des personnes ayant subi une ou plusieurs amputations des membres inférieurs entre 2009 et 2018 (26 526 patients dont 59 % vivant avec un diabète pour 41 304 amputations dont 32 % d’amputations majeures). L’âge moyen, la représentation masculine et le pourcentage d’amputations mineures sont plus élevés chez les diabétiques que chez les non-diabétiques (71 ans, 68 % d’hommes et 63 % d’amputations mineures vs 68 ans, 56 % et 57 %, respectivement). Les taux de mortalité totale à 5 ans sont plus élevés après amputation majeure qu’après amputation mineure : ils sont respectivement de 69 % et 52 % chez les patients diabétiques et de 63 % et 45 % chez les non diabétiques. En analyse multivariée, le diabète n’expose pas à un risque accru de mortalité dans les 6 premiers mois suivant l’amputation que celle-ci soit mineure ou majeure alors qu’un surrisque de décès est retrouvé par la suite pour les amputations mineures (HR ajusté entre 1,38 et 1,52 ; p < 0,005 dans tous les cas) comme majeures (HR ajusté entre 1,35 et 1,46 ; p < 0,001 dans tous les cas). Chez les patients diabétiques, le risque de décès est plus élevé chez les hommes que chez les femmes après amputation mineure uniquement (HR ajusté 1,33 ; p < 0,001), alors que chez les sujets non diabétiques le surrisque lié au sexe masculin est retrouvé après amputation mineure (HR ajusté 1,64 ; p < 0,001) ou majeure (HR ajusté 1,22 ; p < 0,014). Au fil des années, entre 2009 et 2018, le taux de mortalité après amputation a diminué chez les non diabétiques mais est resté stable chez les diabétiques.

Dans un second temps, l’excès de risque attribuable au diabète dans la cohorte a été comparé à celui observé dans une cohorte composée de 31 896 individus n’ayant pas subi d’amputation et appariés pour l’âge, le sexe et la région de résidence : il est constamment plus élevé parmi ces derniers (HR ajusté entre 1,48 et 1,89 ; p < 0,05 dans tous les cas) que chez les patients ayant subi une amputation mineure ou majeure, ce qui suggère que le diabète impacte moins le risque de mortalité après amputation qu’en dehors de cette situation clinique bien identifiée (suivi et prise en charge renforcés ?).   

Malgré les limites méthodologiques de cette étude observationnelle et notamment l’absence totale de données sur les comorbidités cardiovasculaires et rénales, ces données suggèrent que le diabète expose à un risque accru de mortalité après une amputation. Cependant, cet excès de risque n’est pas retrouvé durant les 6 premiers mois ce qui, en extrapolant un peu, pourrait illustrer l’efficacité de la prise en charge péri-opératoire pluridisciplinaire renforcée telle qu’elle est généralement mise en place pour les patients diabétiques.