Patrice DARMON, Marseille

Thorius IH et al. Congenital malformations among offspring of women with type 1 diabetes who use insulin pumps: a prospective cohort study. Diabetologia 2023 Jan 14.

La présence d’un diabète de type 1 (DT1) préalable à la grossesse expose à une augmentation très significative du risque de fausses couches spontanées, de malformations congénitales et de mortalité périnatale. Cet excès de risque est particulièrement marqué en cas de mauvais équilibre glycémique en début de grossesse. De plus en plus de patientes DT1 enceintes sont traitées par pompe à insuline externe dans le but d’optimiser le contrôle glycémique dès la période périconceptionnelle. Pour autant, l’impact de l’insulinothérapie par pompe externe sur le risque de malformations congénitales et de mortalité périnatale n’a jamais été évalué.

C’est l’objet de cette étude de cohorte prospective réalisée à partir de données issues d’un registre international (Diabetes Pregnancy Registry) et de l’étude EVOLVE sponsorisée par les laboratoires Novo Nordisk. Au total, elle regroupe 2 088 patientes DT1 enceintes traitées par pompe (n = 750) ou multi-injections d’insuline (n = 1 338) au moins un mois avant la conception. Les participantes ont été incluses entre septembre 2013 et septembre 2018, à 8 semaines de grossesse en moyenne (IC95% 4-14). À l’inclusion, les patientes traitées par pompe diffèrent significativement de celles traitées par multi-injections d’insuline sur plusieurs points : HbA1c (6,8 vs 7,1 %, p < 0,0001) ; ancienneté du diabète (18,3 vs 14,5 ans, p < 0,0001) ; IMC (25,5 vs 24,3 kg/m2, p < 0,0001) ; présence d’une rétinopathie (35,8 vs 25,0 % ; p < 0,0001) ; tabagisme actif (4,9 vs 9,0 %, p = 0,0009) ; niveau d’éducation (diplôme universitaire 37,3 vs 25,1 %, p < 0,0001) ; supplémentation en acide folique (86,3 % vs 74,8 %, p < 0,0001). Afin de s’affranchir au mieux de ces différences, les auteurs ont appliqué un score de propension incluant ces paramètres mais également l’âge maternel et l’existence d’un antécédent de fausse couche spontanée ou d’enfant né avec une malformation majeure. Malgré ces ajustements, il persistait un écart significatif en termes d’équilibre glycémique à l’inclusion en faveur du groupe pompe (HbA1c 6,8 vs 7,1 %).

Le risque de fausse couche spontanée ou d’interruption thérapeutique de grossesse avant la 22e semaine est comparable entre les deux groupes (7,7 % vs 7,5 %). Le pourcentage d’enfants nés avec au moins une malformation – par ordre décroissant de fréquence : malformation cardiovasculaire, génito-urinaire puis neurologique – est comparable dans le groupe pompe et dans le groupe multi-injections (13,5 vs 11,2 % ; OR ajusté 1,11 [IC95% 0,81-1,52]) ; il en va de même pour celui des enfants nés avec au moins une malformation majeure (2,8 vs 3,1 % ; OR ajusté 0,78 [IC95% 0,42-1,45]) ou mineure (10,7 vs 8,1 % ; OR ajusté 1,23 [IC95% 0,87-1,75]). Des résultats comparables sont retrouvés pour la mortalité périnatale (décès après la 22e semaine de grossesse ou jusqu’au 7e jour après la naissance) : 1,6 vs 1,3 % (OR ajusté 2,02 [IC95% 0,69-5,93]) et pour la mortalité néonatale (décès à la naissance ou jusqu’au 28e jour après la naissance) : 0,3 vs 0,3 %.

De façon plutôt inattendue, cette étude observationnelle ne montre pas de supériorité d’un traitement par pompe externe vs multi-injections d’insuline chez les patientes DT1 enceintes sur le risque de fausses couches spontanées, de malformations congénitales ou de mortalité périnatale, malgré un meilleur équilibre glycémique initial. Ces résultats s’expliquent peut-être en partie par le fait que les patientes des deux groupes de l’étude sont globalement déjà bien équilibrées en début de grossesse. Il faudra sans doute refaire ce genre d’étude dans quelques années avec l’avènement des systèmes de boucles semi-fermées.